Il y a quelques jours, le responsable des services techniques d’une ville de 20.000 habitants m’appelle pour me demander conseil. Il vient d’organiser un atelier de production d’idées avec ses agents mais est déçu par le résultat produit : relativement peu de propositions et surtout rien de vraiment innovant ! Du coup, il se dit que finalement, son équipe n’est sûrement pas très créative… et il appréhende la présentation des résultats au directeur général des services qui s’est invité à la prochaine réunion avec l’équipe !
En essayant de décrypter avec lui ce qui avait pu freiner la créativité de son équipe, je me suis dit que cela ferait un sujet d’article intéressant.
En effet, j’entends souvent dire : « J’ai beau essayer, ça ne prend pas vraiment. » ; « Ce genre de public n’est pas capable de sortir de sa routine. », « Ca marche bien avec des cadres, pas avec des agents techniques », etc.
La plupart du temps, en décortiquant la méthode utilisée, je m’aperçois que certaines erreurs sont venues brider le processus d’innovation. Avant de décréter que votre équipe n’est pas créative, posez-vous les questions suivantes…
Dans le cas évoqué, le manager avait invité 6 agents à participer à son atelier de créativité. C’est trop peu, surtout quand il s’agit de personnes qui n’ont pas l’habitude de participer à ce genre de réunions ! Le nombre idéal de participants pour générer des idées se situe entre 8 et 12 personnes.
Bien sûr, le profil des individus rassemblé compte aussi énormément. Plus vous aurez de diversité dans un groupe et plus celui-ci sera fécond. Ce facteur n’était pas respecté dans la réunion dont je vous parle car tous ses membres étaient des hommes, issus de la même équipe, travaillant déjà tous sur le même sujet. J’ai conseillé à mon interlocuteur d’associer à ses futures réunions des femmes, provenant d’autres services (techniques et administratifs), pouvant porter un regard neuf sur le sujet.
« Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution. ». On doit ce sage conseil à Albert Einstein.
Dans tout processus créatif, la phase d’imprégnation est indispensable. Il faut que les participants aient le temps d’explorer le sujet sous différents angles, d’expliquer comment ils le comprennent, de voir ce qui se fait ailleurs sur la même thématique… avant de commencer à produire des idées. A ce stade, vous inciterez votre équipe à faire du benchmarking, à se mettre dans la peau des différents acteurs impliqués par le sujet, à partager leurs informations et à les regrouper sous forme d’une carte mentale, etc.
Le cadre dont je vous parle avait bien en tête cette étape indispensable et y a consacré une bonne moitié de réunion, ce qui semble approprié pour un sujet relativement simple.
Dans une étape suivante, le responsable en question a demandé à ses agents – ce qui est fort conseillé – ce qui pourrait les empêcher de s’investir dans ce projet d’auto-évaluation. De nombreux freins ont été exprimés : peur de ne pas être soutenus par la direction, peur de manquer de temps pour cette nouvelle tâche, peur de ne pas disposer des moyens nécessaires, peur du regard des collègues, etc.
C’est une bonne chose car dès qu’un groupe aborde un changement, des peurs existent et des résistances au changement se forment. Le problème, c’est que ces freins restent souvent latents, non exprimés… Et qu’ils réapparaissent au moment de la production d’idées, voire de la mise en œuvre des projets !
Dans le cas présent, les freins ont été exprimés mais probablement trop rapidement traités. Mon interlocuteur m’a indiqué « Je les ai rassurés et leur ai dit que la direction les soutiendrait dans le projet ». Il n’est pas certain que cela ait suffit à apaiser les inquiétudes. Je lui ai donc conseillé de faire s’exprimer son DG sur le sujet lors de la réunion où il s’est auto-invité. Il faut que les questions soulevées puissent être discutées directement avec la direction et que des garanties soient données aux agents pour les sécuriser dans le processus de changement qu’on attend d’eux.
Quand j’ai demandé à notre manager combien d’idées avaient été émises par le groupe et en combien de temps, il m’a répondu : 20 idées en 5 minutes. C’est déjà beaucoup sur une durée si courte !
Le problème est que la réunion s’est interrompue juste après ce premier brainstorming, pour respecter le timing annoncé au départ. Le groupe n’a donc pas eu le temps de faire autre chose que de livrer les idées les plus évidentes pour répondre à la problématique.
Avant que les idées les plus innovantes émergent, il est nécessaire de faire s’exprimer les plus banales.
Et surtout, une fois que celles-ci ont été notées, il faut commencer le travail de divergence ! Celui-ci consiste à relancer la production d’idées avec des techniques qui vont obliger notre cerveau à puiser dans son imaginaire pour répondre aux questions qu’on lui pose.
Par exemple, on peut demander au groupe d’imaginer comment il résoudrait le problème s’il était une troupe de cracheurs de feu, une colonie de fourmis ou une délégation de diplomates. On peut aussi l’inviter à retourner le problème et lister toutes les façons de faire échouer le projet. Ou lui faire dessiner la solution idéale. Ou lui proposer une marche silencieuse de 10 minutes en dehors de la salle de réunion pour aller glaner des idées. Ou utiliser des stimuli sensoriels (sons, textures, odeurs, goûts…) qui vont ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
Les techniques de relance créatives sont très nombreuses, vous n’avez que l’embarras du choix. Mais le plus important à retenir est qu’il faut stimuler plusieurs fois la créativité de votre équipe, avec plusieurs processus différents jusqu’à ce que vous ayez obtenu un nombre suffisant d’idées !
Dans le cas évoqué avec vous aujourd’hui, j’ai conseillé à mon interlocuteur :
…bref, d’accorder à son sujet une réunion de plus que ce qu’il avait prévu au départ…
En effet, pour être créatifs, nos cerveaux ont besoin de temps. La preuve avec cette vidéo produite par une agence de communication pour sensibiliser ses clients sur cette question : http://bit.ly/1ebhZXN
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre quand on veut animer des ateliers de créativité en équipe (notamment sur la nécessité des échauffements créatifs) ! Mais je reviendrai sur le sujet dans un prochain article. En attendant, j’aurai plaisir à lire vos réactions à cet article et vos retours d’expérience sur vos propres séances de production d’idées.
A bientôt !
Vous connaissez désormais la formule magique qui permet de transformer n’importe quel problème en défi créatif (cf. article précédent) ! Je vous propose maintenant d’apprendre à remanier votre question autant de fois que nécessaire jusqu’à en faire un véritable challenge motivant auquel toute votre équipe aura envie de chercher des solutions innovantes… Suivez le guide !
Commencez par explorer votre motivation et celle de votre groupe de travail à résoudre votre problème. Ce travail est crucial ! Si vous n’êtes pas tous enthousiasmés par le défi créatif, il y a peu de chances que vous vous investissiez en profondeur pour trouver des idées nouvelles sur ce sujet, que vous les transformiez en projet et que vous les défendiez ensuite auprès des personnes décisionnaires !
La question de la motivation se creuse de la façon suivante : chaque personne impliquée dans la séance de créativité doit être capable d’indiquer ce qu’elle aime dans ce projet et pour quelles raisons. Concrètement,vous allez à tour de rôle expliquer votre point de vue en commençant par « Ce que j’aime dans ce projet, c’est… parce que… ».
Rappelez-vous : tant qu’une personne du groupe ne trouve pas de réelle envie à s’investir dans votre défi créatif, c’est que vous n’avez pas trouvé la bonne façon de le formuler.
Dans un deuxième temps, vous allez malaxer la version brouillon de votre défi créatif pour le réécrire jusqu’à ce qu’il remporte l’adhésion de tous.
Différentes techniques peuvent être mises en œuvre :
Grâce à cette phase exploratoire, le point de vue des autres participants de votre séance de créativité vous aura aidé à regarder votre défi créatif sous un autre angle. Vous aurez ainsi posé les bases d’une recherche de nouvelles idées fructueuses.
Vous pouvez choisir de travailler sur deux, trois ou quatre des outils présentés ci-dessus, selon le temps alloué. Si vous êtes pressé, utilisez au minimum la technique dela motivation – incontournable – et celle des synonymes. Consacrez au moins 30 à 40 minutes à cette étape (vous pouvez prendre jusqu’à 2 heures pour les défis les plus complexes).
D’accord, ce n’est pas rien, mais, vous l’aurez compris, ce temps est nécessaire pour ne pas passer à côté de l’essentiel. En conclusion, je vous livre cette phrase d’Albert Einstein qui résume bien l’importance de ce travail : « Si j’avais une heure pour sauver le monde, je passerais 59 minutes à définir le problème et une minute à trouver des solutions. ».
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà essayé de chercher des idées en équipe pour vous apercevoir finalement que la question n’était pas forcément bien formulée au départ ? Comment vous y prenez-vous pour explorer un problème avant de foncer sur la recherche de solutions ? Partagez ici vos expériences et vos conseils. Ce blog est fait pour ça et j’ai hâte de lire vos commentaires !
Il y a 15 jours, j’animais une formation dédiée aux techniques de créativité pour innover. La plupart des participants avaient déjà une idée bien précise des problèmes à résoudre dans leur vie professionnelle. Pour certains, il s’agissait d’améliorer les procédures de travail au sein d’une équipe, pour d’autres, promouvoir des produits locaux auprès des consommateurs, pour d’autres encore, lancer un vaste projet culturel.
C’est justement parce qu’ils avaient une perception a priori nette de leur problème que je leur ai demandé de travailler en groupe sur la reformulation précise de cette question sous forme de défi créatif ! Si ce travail a pu leur sembler déstabilisant dans un premier temps, ils ont tous reconnus ensuite sa nécessité absolue… Parce que bien souvent, derrière une problématique apparente se cachent d’autres questions, plus précises, plus importantes ou plus urgentes.
Il s’agit d’une question qui va permettre à un groupe de trouver des solutions innovantes sur un sujet donné, par exemple via un brainstorming. Elle doit être brève (pas plus d’une vingtaine de mots), facilement compréhensible, précise, motivante et orientée vers une recherche de nouvelles idées.
Concrètement, si vous souhaitez résoudre un problème grâce à la créativité, dans un premier temps, reformulez-le en commençant impérativement par la formule magique « Comment faire pour… ? ». Vous obtenez un défi créatif, qu’on pourrait qualifier de brouillon ou première esquisse car il ne faut pas s’arrêter à cette première mouture !
Prenons un exemple : dans un service administratif, de nombreux changements organisationnels sont prévus. Ils portent notamment sur la durée du temps de travail. La responsable de ce service souhaiterait que ces nouvelles dispositions soient comprises, acceptées et appliquées par toute l’équipe.
La première formulation de son défi créatif ressemblait à quelque chose comme « Comment faire pour que tout le monde intègre la nouvelle organisation du temps de travail dans l’équipe ? ». En creusant ce sujet en groupe, après différents remaniements, elle a finalement opté pour une nouvelle question : « Comment faire pour que les agents administratifs et les collègues des autres services co-construisent et partagent les nouvelles règles de fonctionnement du service ? »
Dans cette seconde version, la notion de « tout le monde » a été précisée et rassemble à la fois les membres de l’équipe et les personnes qui travaillent avec elle. Par ailleurs, l’idée d’intégration a été transformée en projet de co-construction et de partage. Une approche beaucoup plus collaborative du problème, n’est-ce pas ? Enfin, l’organisation du temps de travail a été élargie à l’ensemble des nouvelles règles de fonctionnement du service, dont le planning hebdomadaire n’était qu’un aspect.
Comment cette transformation s’est-elle opérée ? A travers différentes étapes que je vous livrerai dans mon prochain article…
D’ici là, si la démarche vous intéresse, entraînez-vous à transformer des problèmes que vous rencontrez au travail ou dans votre vie professionnelle en défis créatifs. Vous allez sûrement commencer à les regarder sous un autre angle 😉 !