Il y a quelques jours, le responsable des services techniques d’une ville de 20.000 habitants m’appelle pour me demander conseil. Il vient d’organiser un atelier de production d’idées avec ses agents mais est déçu par le résultat produit : relativement peu de propositions et surtout rien de vraiment innovant ! Du coup, il se dit que finalement, son équipe n’est sûrement pas très créative… et il appréhende la présentation des résultats au directeur général des services qui s’est invité à la prochaine réunion avec l’équipe !

Avant d'estimer que votre équipe manque de créativité, demandez-vous si vous avez vraiment utilisé la bonne méthodologie pour lui permettre d'innover. Isabelle Fettu, formation, conseil, facilitation. Communication et intelligence collective. Nancy, Lorraine, Grand Est.

En essayant de décrypter avec lui ce qui avait pu freiner la créativité de son équipe, je me suis dit que cela ferait un sujet d’article intéressant.

En effet, j’entends souvent dire : « J’ai beau essayer, ça ne prend pas vraiment. » ; « Ce genre de public n’est pas capable de sortir de sa routine. », « Ca marche bien avec des cadres, pas avec des agents techniques », etc.

La plupart du temps, en décortiquant la méthode utilisée, je m’aperçois que certaines erreurs sont venues brider le processus d’innovation. Avant de décréter que votre équipe n’est pas créative, posez-vous les questions suivantes…

Est-ce que le groupe était bien constitué ?

Dans le cas évoqué, le manager avait invité 6 agents à participer à son atelier de créativité. C’est trop peu, surtout quand il s’agit de personnes qui n’ont pas l’habitude de participer à ce genre de réunions ! Le nombre idéal de participants pour générer des idées se situe entre 8 et 12 personnes.

Bien sûr, le profil des individus rassemblé compte aussi énormément. Plus vous aurez de diversité dans un groupe et plus celui-ci sera fécond. Ce facteur n’était pas respecté dans la réunion dont je vous parle car tous ses membres étaient des hommes, issus de la même équipe, travaillant déjà tous sur le même sujet. J’ai conseillé à mon interlocuteur d’associer à ses futures réunions des femmes, provenant d’autres services (techniques et administratifs), pouvant porter un regard neuf sur le sujet.

Est-ce que les gens ont pu s’imprégner du sujet ?

« Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution. ». On doit ce sage conseil à Albert Einstein.

Dans tout processus créatif, la phase d’imprégnation est indispensable. Il faut que les participants aient le temps d’explorer le sujet sous différents angles, d’expliquer comment ils le comprennent, de voir ce qui se fait ailleurs sur la même thématique… avant de commencer à produire des idées. A ce stade, vous inciterez votre équipe à faire du benchmarking, à se mettre dans la peau des différents acteurs impliqués par le sujet, à partager leurs informations et à les regrouper sous forme d’une carte mentale, etc.

Le cadre dont je vous parle avait bien en tête cette étape indispensable et y a consacré une bonne moitié de réunion, ce qui semble approprié pour un sujet relativement simple.

Est-ce que les freins ont été exprimés et pris en compte ?

Dans une étape suivante, le responsable en question a demandé à ses agents – ce qui est fort conseillé – ce qui pourrait les empêcher de s’investir dans ce projet d’auto-évaluation. De nombreux freins ont été exprimés : peur de ne pas être soutenus par la direction, peur de manquer de temps pour cette nouvelle tâche, peur de ne pas disposer des moyens nécessaires, peur du regard des collègues, etc.

C’est une bonne chose car dès qu’un groupe aborde un changement, des peurs existent et des résistances au changement se forment. Le problème, c’est que ces freins restent souvent latents, non exprimés… Et qu’ils réapparaissent au moment de la production d’idées, voire de la mise en œuvre des projets !

Dans le cas présent, les freins ont été exprimés mais probablement trop rapidement traités. Mon interlocuteur m’a indiqué « Je les ai rassurés et leur ai dit que la direction les soutiendrait dans le projet ». Il n’est pas certain que cela ait suffit à apaiser les inquiétudes. Je lui ai donc conseillé de faire s’exprimer son DG sur le sujet lors de la réunion où il s’est auto-invité. Il faut que les questions soulevées puissent être discutées directement avec la direction et que des garanties soient données aux agents pour les sécuriser dans le processus de changement qu’on attend d’eux.

Est-ce que vous êtes allés au-delà des premières idées ?

Quand j’ai demandé à notre manager combien d’idées avaient été émises par le groupe et en combien de temps, il m’a répondu : 20 idées en 5 minutes. C’est déjà beaucoup sur une durée si courte !

Le problème est que la réunion s’est interrompue juste après ce premier brainstorming, pour respecter le timing annoncé au départ. Le groupe n’a donc pas eu le temps de faire autre chose que de livrer les idées les plus évidentes pour répondre à la problématique.

Avant que les idées les plus innovantes émergent, il est nécessaire de faire s’exprimer les plus banales.

Et surtout, une fois que celles-ci ont été notées, il faut commencer le travail de divergence ! Celui-ci consiste à relancer la production d’idées avec des techniques qui vont obliger notre cerveau à puiser dans son imaginaire pour répondre aux questions qu’on lui pose.

Par exemple, on peut demander au groupe d’imaginer comment il résoudrait le problème s’il était une troupe de cracheurs de feu, une colonie de fourmis ou une délégation de diplomates. On peut aussi l’inviter à retourner le problème et lister toutes les façons de faire échouer le projet. Ou lui faire dessiner la solution idéale. Ou lui proposer une marche silencieuse de 10 minutes en dehors de la salle de réunion pour aller glaner des idées. Ou utiliser des stimuli sensoriels (sons, textures, odeurs, goûts…) qui vont ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.

Les techniques de relance créatives sont très nombreuses, vous n’avez que l’embarras du choix. Mais le plus important à retenir est qu’il faut stimuler plusieurs fois la créativité de votre équipe, avec plusieurs processus différents jusqu’à ce que vous ayez obtenu un nombre suffisant d’idées !

Est-ce que vous avez accordé assez de temps au problème ?

 

Conseils pour animer des groupes de travail en réunion
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Dans le cas évoqué avec vous aujourd’hui, j’ai conseillé à mon interlocuteur :

  • d’organiser une seconde séance de production d’idées avec les mêmes volontaires mais aussi d’autres personnes extérieures à l’équipe
  • de différer l’étape de convergence qui consiste à trier les idées produites, à sélectionner les plus intéressantes et à les transformer en projet

…bref, d’accorder à son sujet une réunion de plus que ce qu’il avait prévu au départ…

En effet, pour être créatifs, nos cerveaux ont besoin de temps. La preuve avec cette vidéo produite par une agence de communication pour sensibiliser ses clients sur cette question : http://bit.ly/1ebhZXN

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre quand on veut animer des ateliers de créativité en équipe (notamment sur la nécessité des échauffements créatifs) ! Mais je reviendrai sur le sujet dans un prochain article. En attendant, j’aurai plaisir à lire vos réactions à cet article et vos retours d’expérience sur vos propres séances de production d’idées.

A bientôt !

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Formatrice consultante en communication, j'aide les petites entreprises, associations ou collectivités à se faire connaître et à bien communiquer avec leurs clients, partenaires ou collaborateurs. Ma priorité : vous accompagner dans des projets concrets. Mes outils : une méthodologie solide, beaucoup d'interactivité et une bonne dose de créativité !

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